Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— De quoi te mêles-tu, toi ?… en voilà des manières !… Est-ce que je ne suis pas libre de parler… Va donc voir un peu chez ta femme, si j’y suis !… J’en ai assez de tes yeux de merlan frit, et des trois cheveux qui te restent… Va les porter à ta dinde, il n’est que temps !…

De Potter souriait, un peu pâle :

— Et il faut vivre avec ça !… murmurait-il dans sa moustache.

— Ça vaut bien ça… hurla-t-elle, tout le corps en avant sur la table… Et tu sais, la porte est ouverte… file… hop !

— Voyons, Rosa… supplièrent les pauvres yeux ternes.

Et la mère Pilar, se remettant à manger, dit avec un flegme si comique : « Foute-nous la paix, mon garçon… » que tout le monde éclata de rire, même Rosa, même de Potter qui embrassait sa maîtresse encore toute grondante et, pour achever de gagner sa grâce, attrapait une mouche et la donnait délicatement, par les ailes, à Bichito.

Et c’était de Potter, le compositeur glorieux, la fierté de l’École française ! Comment cette femme le retenait-elle, par quel sortilège, vieillie de vices, grossière, avec cette mère