Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ondulation qui fait courir sur la mélodie comme une lumière d’eau dansante. À cette heure, dans ce décor, c’était délicieux. D’une terrasse voisine on cria bravo ; et le Provençal, ramenant en mesure les avirons, avait soif de cette musique divine aux lèvres de sa maîtresse, une tentation de mettre sa bouche à même la source, et de boire dans le soleil, la tête renversée, toujours.

Tout à coup Rosa, furieuse, interrompit la cantilène dont le mariage de voix l’irritait :

— Hé là-bas, la musique, quand vous aurez fini de vous roucouler dans la figure… Si vous croyez qu’elle nous amuse votre romance d’enterre-morts… En voilà assez… d’abord il est tard, il faut que Fanny rentre à la boîte…

Et d’un geste furibond montrant le plus prochain débarcadère :

— Aborde là… dit-elle à son amant, ils seront plus près de la gare…

C’était brutal comme congé ; mais l’ancienne dame des chars avait habitué son monde à ces façons de faire, et personne n’osa protester. Le couple jeté au rivage avec quelques