Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

journée, de ses moindres actes, de ses préoccupations, le plus souvent indifférentes, qu’il surprenait d’un « à quoi penses-tu ?… tout de suite… », craignant toujours qu’elle regrettât quelque chose ou quelqu’un de cet horrible passé, confessé par elle chaque fois avec la même indéconcertable franchise.

Au moins lorsqu’ils ne se voyaient que le dimanche, avides l’un de l’autre, il ne prenait pas le temps de ces perquisitions morales, outrageantes et minutieuses. Mais rapprochés, avec la continuité de la vie à deux, ils se torturaient jusque dans leurs caresses, dans leurs plus intimes étreintes, agités de la sourde colère, du douloureux sentiment de l’irréparable ; lui, s’épuisant à vouloir procurer à cette blasée d’amour une commotion qu’elle ignorât encore, elle prête au martyre pour donner une joie, qui n’eût pas été à dix autres, n’y parvenant pas et pleurant de rage impuissante.

Puis une détente se fit en eux ; peut-être la satiété. des sens dans le tiède enveloppement de la nature, ou plus simplement le voisinage des Hettéma. C’est que, de tous les ménages