Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/221

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frangeant les cils, pailletant la peau jusque sous les ongles.

Ramassée par Déchelette sur l’asphalte du skating, parmi les grossièretés, les brutalités de la traite, les tourbillons de fumée que l’homme crache, avec un chiffre, dans le maquillage de la fille, la politesse de celui-ci l’avait attendrie et surprise. Elle se retrouva femme, de pauvre bétail à plaisir qu’elle était, et quand il voulut la renvoyer au matin, conformément à ses principes, avec un bon déjeuner et quelques louis, elle eut le cœur si gros, lui demanda si doucement, si désirément « garde-moi encore… » qu’il ne se sentit pas le courage de refuser. Depuis, moitié respect humain, moitié lassitude, il tenait sa porte close sur cette lune de miel de hasard, qu’il passait au frais et au calme de son palais d’été si bien aménagé pour le confortable ; et ils vivaient ainsi très heureux, elle de ces égards tendres qu’elle n’avait jamais connus, lui du bonheur qu’il donnait à ce pauvre être et de sa reconnaissance naïve, subissant aussi sans qu’il s’en rendît compte, et pour la première fois, le charme pénétrant