Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/25

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revint plusieurs fois dans la semaine, et toujours elle entrait avec la même pâleur, les mêmes mains froides et moites, la même voix serrée d’émotion.

— Oh ! je sais bien que je t’ennuie, lui disait-elle, que je te fatigue. Je devrais être plus fière… Si tu crois !… Tous les matins en m’en allant de chez toi, je jure de ne plus venir ; puis ça me reprend, le soir, comme une folie.

Il la regardait, amusé, surpris dans son dédain de la femme, par cette persistance amoureuse. Celles qu’il avait connues jusque-là, des filles de brasserie ou de skating, quelquefois jeunes et jolies, lui laissaient toujours le dégoût de leur rire bête, de leurs mains de cuisinières, d’une grossièreté d’instincts et de propos qui lui faisait ouvrir la fenêtre derrière elles. Dans sa croyance d’innocent, il pensait toutes les filles de plaisir pareilles. Aussi s’étonnait-il de trouver en Fanny une douceur, une réserve vraiment femme, avec cette supériorité – sur les bourgeoises qu’il rencontrait en province chez sa mère – d’un frottis d’art, d’une connaissance de toutes