Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/265

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— Vous me regardez, Gaussin… Vous me trouvez vieilli ?… »

C’est vrai qu’il avait bien son âge dans ce jour tombé d’en haut sur les balafres, les creux et meurtrissures de sa tête viveuse et surmenée, sa crinière de lion montrant des râpes de vieux tapis, ses bajoues pendantes et flasques, et sa moustache aux tons de métal dédoré qu’il ne se donnait plus la peine de friser ni de teindre… À quoi bon ?… Cousinard, le petit modèle, venait de partir.

— Oui, mon cher, avec mon mouleur, un sauvage, une brute, mais vingt ans !…

L’intonation rageuse et ironique, il arpentait l’atelier, bousculant d’un coup de botte l’escabeau qui le gênait au passage. Tout à coup, arrêté devant le miroir enguirlandé de cuivre au-dessus du divan, il se regardait avec une affreuse grimace :

— Suis-je assez laid, assez démoli, en voilà des cordes, des fanons de vieille vache !…

Il prenait son cou à poignée, puis dans un accent lamentable et comique, une prévoyance de vieux beau qui se pleure :

— Et dire que je regretterai ça, l’an prochain !…