Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/273

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mais s’effaçant au moindre épanouissement de gaieté.

— C’est un cèpe, je te dis que c’est un cèpe…

Elle entrait sous bois, enfonçait jusqu’aux genoux dans les feuilles mortes, revenait toute décoiffée et fripée par les ronces, et lui montrait ce petit réseau sur le pied du champignon qui distingue le vrai cèpe du faux :

— Tu vois, il a le tulle !…

Et elle triomphait.

Lui n’écoutait pas, distrait, s’interrogeant :

— Est-ce le moment ?… Faut-il ?…

Mais le courage lui manquait, elle riait trop, ou l’endroit n’était pas favorable ; et il l’entraînait toujours plus loin, comme un assassin qui médite son coup.

Il allait se décider, quand au tournant d’une allée, quelqu’un apparut et les dérangea, le garde de ce peuplement, Hochecorne, qu’ils rencontraient quelquefois. Pauvre diable qui avait successivement perdu, dans la petite maison forestière que l’État lui allouait au bord de l’étang, deux enfants, puis sa femme, et toujours des mêmes fièvres pernicieuses.