Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/279

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— Et c’est pour m’apprendre ça, que tu m’as fait faire une lieue à travers bois… Tu t’es dit : Au moins on ne l’entendra pas, si elle crie… Non, tu vois… pas un éclat, pas une larme. D’abord, j’en ai plein le dos du joli garçon que tu es… tu peux t’en aller, ce n’est pas moi qui te ferai revenir… Sauve toi donc dans les Îles avec ta femme, ta petite, comme on dit chez toi… Elle doit être propre, la petite… laide comme un gorille, ou alors enceinte à pleine ceinture… car tu es aussi jobard que ceux qui te l’ont choisie.

Elle ne se retenait plus, lancée dans un débordement d’injures, d’infamies, jusqu’à ne pouvoir bégayer à la fin que des mots « lâche… menteur… lâche… » sous son nez, en provocation, comme on montre le poing.

C’était au tour de Jean de l’écouter sans rien dire, sans aucun effort pour l’arrêter. Il l’aimait mieux ainsi, insultante, ignoble, la vraie fille du père Legrand ; la séparation serait moins cruelle… En eut-elle conscience ? Mais elle se tut tout à coup, tomba, la tête et le buste en avant, dans les genoux de son