Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/282

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Le bourreau n’était guère plus vaillant que la victime. Sa colère, il ne la craignait pas plus que ses caresses ; mais il restait sans défense contre ce désespoir, cette bramée qui remplissait le bois, allait s’éteindre sur l’eau morte et fiévreuse où descendait un triste soleil rouge… Il pensait bien souffrir, mais pas à cette acuité ; et il lui fallait tout l’éblouissement du nouvel amour pour résister à la relever des deux mains, lui dire :

— Je reste, tais-toi, je reste…

Depuis combien de temps s’épuisaient-ils ainsi tous deux ?… Le soleil n’était plus qu’une barre toujours plus étroite au couchant ; l’étang se teignait d’un gris d’ardoise, et l’on eût dit que sa vapeur malsaine envahissait la lande et le bois, les coteaux en face. Dans l’ombre qui les gagnait, il ne voyait plus que cette figure pâle, levée vers lui, cette bouche ouverte, clamant d’une intarissable plainte. Un peu après, la nuit venue, les cris s’apaisèrent. Maintenant, c’était un bruit de larmes à flots, sans fin, une de ces longues pluies installées sur le grand fracas de l’orage, et de temps en temps un « Oh !… » profond