Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/323

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balbutiant que ce serait bien triste. Aussi elle pensait… elle partirait peut-être bientôt… un petit voyage.

— Dans le Morvan, sans doute ?… En famille !…

Et lâchant sa fureur jalouse :

— Dis donc tout de suite que tu rejoindras ton voleur, que vous allez vous mettre en ménage… Il y a assez longtemps que tu en as envie… Allons. Retourne à ta bauge… Fille et faussaire ça va ensemble, j’étais bien bon de vouloir te tirer de cette boue.

Elle gardait son mutisme immobile, un éclair de triomphe filtrant entre ses cils baissés. Et plus il la cinglait d’une ironie féroce, outrageante, plus elle semblait fière, et s’accentuait le frisson au coin de sa bouche. Maintenant il parlait de son bonheur à lui, l’amour honnête et jeune, le seul amour. Oh ! le doux oreiller pour dormir qu’un cœur d’honnête femme… Puis, brusquement, la voix baissée, comme s’il avait honte :

— Je viens de le rencontrer, ton Flamant, il a passé la nuit ici ?

— Oui, il était tard, il neigeait… On lui a fait un lit sur le divan.