Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/331

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C’est une confusion de jurons dans toutes les langues, de cris de bateliers, de portefaix, de marchands de coquillages, entre les coups de marteau du bassin de radoub, le grincement des grues, le heurt sonore des « romaines » rebondissant sur le pavé, cloches de bords, sifflets de machines, bruits rythmés de pompes, de cabestans, eaux de cale qu’on dégorge, vapeur qui s’échappe, tout ce fracas doublé et répercuté par le tremplin de la mer voisine, d’où monte de loin en loin le mugissement rauque, l’haleine de monstre marin d’un grand transatlantique qui prend le large.

Et les odeurs aussi évoquent des pays lointains, des quais plus ensoleillés et chauds encore que celui-ci ; les bois de santal, de campêche qu’on décharge, les limons, les oranges, pistaches, fèves, arachides, dont l’âcre senteur se dégage, monte avec des tourbillons de poussières exotiques dans une atmosphère saturée d’eau saumâtre, d’herbes brûlées, des graisses fumeuses des Cook-house.

Le soir venu, ces rumeurs s’apaisent, ces épaisseurs de l’air retombent et s’évaporent ; et tandis que Jean, rassuré par l’ombre, le