Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/43

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léger et aimable, il avait senti se dégager tout à coup quelque chose de violent, de malsain, en entendant après sa nuit d’amour ces sanglots d’amant trompé qui alternaient avec son rire à elle et ses jurons de blanchisseuse.

Dans ce grand garçon, poussé loin de Paris, en pleine garrigue provençale, il y avait un peu de la rudesse paternelle, et toutes les délicatesses, toutes les nervosités de sa mère à laquelle il ressemblait comme un portrait. Et pour le défendre contre les entraînements du plaisir s’ajoutait encore l’exemple d’un frère de son père, dont les désordres, les folies avaient à demi ruiné leur famille et mis l’honneur du nom en péril.

L’oncle Césaire ! Rien qu’avec ces deux mots et le drame intime qu’ils évoquaient, on pouvait exiger de Jean des sacrifices autrement terribles que celui de cette amourette à laquelle il n’avait jamais donné d’importance. Pourtant ce fut plus dur à rompre qu’il ne se l’imaginait.

Formellement congédiée, elle revint sans se décourager de ses refus de la voir, de la porte fermée, des consignes inexorables. « Je n’ai