Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/80

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exagéré à la température africaine, le lyrisme de l’amant s’entachait de quelque grosse obscénité de corps de garde dont auraient été surprises et scandalisées les lectrices mondaines du Livre de l’Amour, d’un spiritualisme raffiné, immaculé comme la corne d’argent de la Yungfrau.

Misères du cœur ! c’est à ces passages surtout que Jean s’arrêtait, à ces souillures de la page, sans se douter des tressauts nerveux qui chaque fois agitaient sa figure. Même il eut le courage de ricaner à ce post-scriptum qui suivait le récit éblouissant d’une fête d’Aïssaouas : « Je relis ma lettre… il y a vraiment des choses pas mal ; mets-la-moi de côté, je pourrai m’en servir… »

— Un monsieur qui ne laissait rien traîner ! fit-il en passant à un autre feuillet de la même écriture où, sur un ton glacé d’homme d’affaires, La Gournerie réclamait un recueil de chansons arabes et une paire de babouches en paille de riz.

C’était la liquidation de leur amour. Ah ! il avait su s’en aller, il était fort, celui-là…

Et sans s’arrêter, Jean continuait à drainer