Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/83

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de ces existences glorieuses qu’envient les jeunes gens et dont rêvent les femmes romanesques… Oui, qu’avaient-ils donc tous ? Et que leur faisait-elle boire ?… Il éprouvait la souffrance atroce d’un homme qui, garrotté, verrait outrager devant lui la femme qu’il aime ; et, pourtant, il ne pouvait se décider à vider d’un coup, les yeux fermés, ce fond de boîte.

À présent, venait le tour du graveur qui, misérable, inconnu, sans autre célébrité que celle de la Gazette des Tribunaux, ne devait sa place dans le reliquaire qu’au grand amour qu’on avait eu pour lui. Déshonorantes, ces lettres datées de Mazas, et niaises, gauches, sentimentales comme celles du troupier à sa payse. Mais on y sentait, à travers les poncifs de romance, un accent de sincérité dans la passion, un respect de la femme, un oubli de soi-même qui le distinguait des autres, ce forçat ; ainsi, quand il demandait pardon à Fanny du crime de l’avoir trop aimée, ou quand du greffe du Palais de Justice, tout de suite après sa condamnation, il écrivait sa joie de savoir sa maîtresse acquittée et libre. Il ne se plaignait