Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/198

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dominique

Eh bien ! madame, vous l’entendez ? Voilà qui vous rassure.

claire

Ne le croyez pas, monsieur. Si vous partez, il ne me pardonnera jamais.

andré

Vous pardonner, Claire !… Est-ce que vous êtes coupable !… Non, si quelqu’un a besoin de pardon, c’est celui qui, depuis ce matin, se pose ici en accusateur et en juge. (À Dominique.) Car, enfin, qui Es-tu ? qui t’envoie ? au nom de qui parles-tu ? et de quelle suprême justice te crois-tu donc l’instrument ? Est-ce la justice de Dieu que tu crois représenter ici ? Dieu t’a-t-il donne mission pour venger les morts qu’on oublie, et punir les vivants dont le temps a calmé la Peine. Non, non, celui qui voit notre faiblesse n’a pas tant exigé de nous. Ce n’est pas Dieu qui commande les douleurs éternelles, ni les regrets inconsolables. Je ne te reconnais pas pour le justicier de Dieu. Tu n’es pas un juge pour nous, tu n’es pas un vengeur pour Suzanne… Tu n’es qu’un homme qui souffre et qui veut faire souffrir.

claire, suppliante.

André !… Ton frère !

Ah ! je l’ai bien écouté tout à l’heure ; il faut qu’il m’écoute à présent. C’est pour me punir d’avoir aimé Claire que tu t’en vas. Selon toi, j’aurais dû