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LE MYSTÈRE DES MILLE-ÎLES

mienne. Tout me porte à croire que vous êtes un brave homme : vous ne voudrez donc pas tremper dans un crime qui se prépare, à seul fin de plaire à un fils dégénéré, vaurien et criminel. D’ailleurs, vous pensez bien que je ne suis pas de taille à tendre le cou, comme un poulet qu’on égorge. On m’attaque, je vais me défendre et tous les moyens me seront bons. D’autant plus que j’ai une autre vie plus précieuse à préserver. Tenez-le-vous pour dit et parlez, sinon, j’aurai recours aux grands moyens.

Ce petit discours produisit l’effet voulu, car il était débité d’un ton ferme et accompagné d’un regard énergique.

— Ben, j’vas vous dire, répondit le gardien. D’abord, faut pas croire que vot’vie soit en danger. Mon fils n’est pas un mauvais garçon, au fond…

— Je sais à quoi m’en tenir à cet égard, rétorqua Hughes. Donnez-moi les renseignements, tout de suite.

— Ensuite, continua le gnôme, faut vous dire que mon fils est terrorisé par ce Jarvis et puis, il ne connaît pas toutes les combines… Enfin, j’vas vous dire. Le yacht contenait mon fils et deux autres hommes. Ils ne voulaient pas faire de mal…

— Dites tout ce que vous savez. Sinon…

— Ben, v’la. Un des deux hommes parlait d’enlever Mme Renée. Mais il ne l’a pas trouvée dans sa chambre ordinaire et j’lui ai dit que vous étiez avec elle pour la défendre. Ensuite, l’autre voulait briser vot’ aéroplane ; quand il a su qu’il était bien enfermé, il a eu peur de vous éveiller. Puis, ils sont partis.

— Ont-ils dit qu’ils reviendraient ?

— Oui.

— Quand ?

— Ce soir.

— Alors, il n’y a pas de temps à perdre. Vous allez m’aider à terminer les réparations. Il faut que tout soit fini aujourd’hui même.


— IV —


Hughes était persuadé que les ennemis de la jeune femme étaient prêts à tout pour empêcher l’évasion de Renée, qui serait l’écroulement de leur entreprise, le dévoilement de leurs machinations criminelles et, par conséquent la pauvreté et, sans doute, le bagne.

D’un autre côté, ils avaient le plus grand intérêt à supprimer Hughes, car ils devaient bien penser que l’aviateur, au courant de tout et amoureux de Renée, les démasquerait et ferait tout en son pouvoir pour sauver la liberté, la vie et la fortune de leur victime.

Hughes se savait dans le plus grand danger. L’heure des demi-mesures était passée, pour Jarvis et Edward. Non seulement leur richesse mal acquise, mais aussi leur liberté étaient en jeu. Si l’aviateur pouvait laisser l’île, la police serait prévenue et la catastrophe se produirait. Il fallait donc, à tout prix, l’empêcher de s’évader. Le meurtre même ne devait pas les arrêter.

C’est ce que se disait le jeune homme et ce qu’il expliquait à sa compagne.

Celle-ci en éprouva une grande frayeur.

— Je ne veux pas, dit-elle, que vous courriez ces dangers pour moi. Partez tout de suite : mon gardien va vous reconduire sur la terre ferme.

Hughes se mit à rire.

— Pensez-vous, répondit-il, que je pourrais songer un moment à vous laisser entre les mains de ces bandits ? Je partirai d’ici, mais avec toi, mon amour.

Renée n’était pas rassurée.

— Non, dit-elle, ne vous exposez pas. Moi, je n’ai rien à craindre. Vous parti ils me laisseront vivre tranquille ici, comme auparavant.

— Croyez-vous qu’ils accepteraient le risque de se faire jeter en prison par la police qu’ils sauraient bien que j’irais prévenir… De toutes façons, nous sommes ensemble et nous y resterons. Je suis de taille à tenir tête à Jarvis et ses acolytes. Ils ne s’adressent pas à une femme sans défense, cette fois.

Il se mit au travail avec une hâte accrue.

La besogne était délicate, difficile et longue, car il ne fallait négliger aucun détail, sinon le mécanisme compliqué n’aurait pas fonctionné.

Renée elle-même, bien qu’elle n’eût jamais rien fait de ses dix doigts, prêtait son concours à l’œuvre qui l’intéressait si fort.

Elle apportait les outils, taillait la toile, mais, surtout, surveillait les alentours de l’île pour éviter toute surprise.

Non seulement le gnôme, mais aussi sa femme aidaient l’aviateur. Éclairés, par les incidents de la nuit précédente et par les paroles d’Hughes, sur les véritables intentions de Jarvis, ces braves gens avaient résolu de ne plus prêter la main aux louches