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MÉMOIRES SECRETS

libertines avaient laissé échapper le placet pour des attouchemens plus délicieux. « Eh ! mais, Monseigneur, vous n’y songez pas : vous ne savez pas ce que je vous demande : lisez. » En même temps, notre Agnès ramasse le placet, et en se baissant découvre à monseigneur de nouveaux charmes. Sa Grandeur n’y tient point, et, de gré ou de force, il fait exaucer sa requête. Revenu à lui, il jure à la demoiselle le plus inviolable attachement : sa cause est gagnée avant qu’il l’ait sue. Le bel ange s’envole rapidement, et monseigneur, n’ayant rien de mieux à faire, parcourt le placet. Il le relit à deux fois : quelle surprise ! c’était une plainte amère contre un chirurgien ignorant ou fripon… On devine le reste. Monseigneur a pris, depuis ce temps, la coutume de lire les placets avant de présenter le sien.

30. — La Renommée littéraire est de MM. Le Brun. Ce sont deux frères, dont l’un est déjà connu par ses démêlés avec Fréron. Ces deux Aristarques veulent prendre le sceptre de la littérature ; ils l’exercent durement sur les auteurs qui ne sont pas de leurs amis ; et, en particulier, M. Colardeau est une de leurs victimes les plus malheureuses. Ces messieurs louent quelquefois leurs amis, et comme il ne serait pas modeste de se louer soi-même, ils se passent la plume réciproquement, lorsqu’il est question de leurs ouvrages. On ne croit pas que cette feuille périodique, déjà à son second numéro, végète encore long-temps.

31. — M. Racine, dernier du nom, fils du grand Racine, de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, est mort hier d’une fièvre maligne. Il ne faisait plus rien comme homme de lettres ; il était abruti par le vin et par la dévotion.