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PRÉFACE.

remarque judicieusement M. Ponsard dans un vers qui survivrait à ses œuvres, si ses œuvres elles-mêmes ne devaient demeurer immortelles,

Quand la borne est franchie, il n’est plus de limite.

Plus de limite, en effet, c’est le pays des fleuves aurifères, des neiges éternelles, des forêts de fleurs. Voici l’héliante, l’asclépias, la mauve écarlate, la mousse blanche d’Espagne, les oiseaux-mouches, les troupeaux de buffalos et d’antilopes. Dans ces prairies ondulées, dans ces océans de verdure, habités aussi par des dindons, parcourus en tous sens par des Indiens coloriés d’une manière bizarre, notre homme, vêtu d’une bonne blouse de peau de daim et chaussé de mocassins aux semelles épaisses, chasse aux chevelures. Pourquoi la prairie parisienne n’aurait-elle pas son Henri Haller et son capitaine Mayne-Reid ? Il y a bien la question du sang humain ; rassurez-vous, toutefois : dans le grand désert dont la Banque de France et la Monnaie sont les oasis, tout le monde est chauve, et ce seront des perruques seulement que l’ennemi de Navajoes en frac suspendra à sa ceinture. La balle de son rifle ne tuera que des mannequins à épouvanter