Page:De Banville - Odes Funambulesques.djvu/285

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Chryse, et qui ceins de feux la divine Cilla,
Regardez ce que font ces imbéciles-là !
   Regardez ces farceurs en costume sylvestre !
Ils agitent leurs bras comme des chefs d’orchestre ;
Ils se sont tous grisés de bière chez Andler,
Et les voici qui vont graves, les yeux en l’air,
Rouges pourpres, dirait Mathieu, quant au visage,
Et curieux de voir un bout de paysage.
Ils plantent en cerceaux des manches à balais,
Et se disent : « Voilà des arbres, touchez-les ! »
Sur le bord d’un trottoir ils vident leur cuvette
En s’écriant : « La mer ! je vois une corvette ! »
Un singe passe au dos d’un petit Savoyard,
Ils murmurent : « Amis, saluons ce boyard ! »
   Embusqués en troupeaux à l’angle de trois rues,
Sur les fronts des passants ils collent des verrues,
Puis, abordant leur homme avec un air poli :
« Monsieur, demandent-ils, ce nez est-il joli ?
Vous aimez les nez grecs, c’est là ce qui vous trompe !
Oh ! laissez-moi vous coudre à la place une trompe ! »
Celui-ci rencontrant Marinette ou Marton,
Lui met sur le visage un masque de carton ;
Celui-là vous arrête et vous souffle la panse,
Et répète : « Le beau n’est pas ce que l’on pense ! »