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PRÉFACE.

mœurs. Rien n’empêche et ne saurait empêcher l’essor de la Science, de la Poésie, du Génie dans toutes ses manifestations, enfin de ce qui est la vie même de la France. Mais l’existence dans la rue, le côté des choses qui sollicite l’observation superficielle est devenu essentiellement absurde et caricatural. Nous ressemblons tous à ces baladins qui, aux derniers jours du carnaval, jouent Les Rendez-vous bourgeois travestis, chacun portant un costume opposé à l’esprit de son rôle. Vous entrez dans le bureau d’un petit journal, vous y trouvez des vieillards qui regrettent le bon vieux temps ; vous allez chez un acteur, vous le voyez en train de faire des chiffres ; vous montez chez une courtisane, elle est abonnée au Siècle. Ce jeune homme adorable, fatal comme Lara et habillé comme Brummel, est un usurier. Ce monsieur qui tient ses livres de maison en partie double, et qui sert d’intermédiaire pour trouver de l’argent, c’est un poëte. Mon domestique ne se contente plus d’être mis dans la gazette ; il fait bâtir des maisons, et ce pauvre homme en habit râpé qui monte dans un omnibus est un duc plus ancien que les La Trimouille.