Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/236

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ainsi que la barbe, avec de l’huile de coco. Je n’ai rencontré qu’un seul homme estropié et qui paraissait l’avoir été par une chute. Notre chirurgien major m’a assuré qu’il avait vu sur plusieurs les traces de la petite vérole, et j’avais pris toutes les mesures possibles pour que nous ne leur communiquassions pas l’autre, ne pouvant supposer qu’ils en fussent attaqués.

On voit souvent les Tahitiens nus, sans autre vêtement qu’une ceinture qui leur couvre les parties naturelles. Cependant les principaux s’enveloppent ordinairement dans une grande pièce d’étoffe qu’ils laissent tomber jusqu’aux genoux. C’est aussi là le seul habillement des femmes, et elles savent l’arranger avec assez d’art pour rendre ce simple ajustement susceptible de coquetterie. Comme les Tahitiennes ne vont jamais au soleil sans être couvertes, et qu’un petit chapeau de cannes, garni de fleurs, défend leur visage de ses rayons, elles sont beaucoup plus blanches que les hommes. Elles ont les traits assez délicats ; mais ce qui les distingue, c’est la beauté de leurs corps dont les contours n’ont point été défigurés par quinze ans de torture.

Au reste, tandis qu’en Europe les femmes se peignent en rouge les joues, celles de Tahiti se peignent d’un bleu foncé les reins et les fesses ; c’est une parure et en même temps une marque de distinction. Les hommes sont soumis à la même mode. Je ne sais comment ils s’impriment ces traits ineffaçables ; je pense que c’est en piquant la peau et y versant le suc de certaines herbes, ainsi que je l’ai vu pratiquer aux indigènes du Canada. Il est à remarquer que de tout temps on a trouvé cette peinture à la mode chez les peuples voisins encore de l’état de nature. Quand César fit sa première descente en Angleterre, il y trouva