Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/244

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leur soit un travail insupportable et qu’ils fuient encore plus les fatigues de l’esprit que celles du corps.

Je ne les accuserai cependant pas de manquer d’intelligence. Leur adresse et leur industrie, dans le peu d’ouvrages nécessaires dont ne sauraient les dispenser l’abondance du pays et la beauté du climat, démentiraient ce témoignage. On est étonné de l’art avec lequel sont faits les instruments pour la pêche ; leurs hameçons sont de nacre aussi délicatement travaillée que s’ils avaient le secours de nos outils ; leurs filets sont absolument semblables aux nôtres, et tissés avec du fil de pite. Nous avons admiré la charpente de leurs vastes maisons, et la disposition des feuilles de latanier qui en font la couverture.

Ils ont deux espèces de pirogues ; les unes, petites et peu travaillées, sont faites d’un seul tronc d’arbre creusé ; les autres, beaucoup plus grandes, sont travaillées avec art. Un arbre creusé fait, comme aux premières, le fond de la pirogue depuis l’avant jusqu’aux deux tiers environ de sa longueur ; un second forme la partie de l’arrière qui est courbe et fort relevée : de sorte que l’extrémité de la poupe se trouve à cinq ou six pieds au-dessus de l’eau ; ces deux pièces sont assemblées bout à bout en arc de cercle, et comme, pour assurer cet écart, ils n’ont pas le secours des clous, ils percent en plusieurs endroits l’extrémité des deux pièces, et ils y passent des tresses de fil de coco dont ils font de fortes liures. Les côtés de la pirogue sont relevés par deux bordages d’environ un pied de largeur, cousus sur le fond et l’un avec l’autre par des liures semblables aux précédentes. Ils remplissent les coutures de fils de coco, sans mettre aucun enduit sur le calfatage. Une planche, qui