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Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/11

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l’imagination d’un sculpteur avide de beauté : son jeune sang colorait si délicatement le fin tissu de ses chairs qu’elles semblaient toujours éclairées par quelque soleil levant.

Le compagnon habituel d’Anna était Braf, grand chien blanc de Terre-Neuve. Un poëte eut peut-être vu quelque génie captif sous la forme de Braf, tant ses grands yeux étaient pensifs, mystérieux et profonds. Braf flairait l’ennemi là où Anna ni Hermann ne voyaient rien ; il le dénonçait par de sourds grondements, le retroussement des lèvres et une colère marquée ; Hermann et Anna pouvaient aimer en toute confiance ceux à qui Braf allait demander des caresses : mais le père ni la fille ne comprenaient pas toujours les avis qu’il leur donnait ; Braf en ce cas allait s’étendre près de l’âtre et là, couchant sur ses pattes puissantes son gros museau découragé, il semblait se dire : Ha ! si je parlais hollandais, comme ils verraient qu’un pauvre chien juge mieux qu’eux des hommes et des choses.

Braf avait jadis appartenu au beau-frère d’Hermann employé par l’Human society of London, au sauvetage des naufragés sur les côtes du pays de Galles. Chacun sait les grands services que les chiens de la race de Braf rendent dans ces périlleuses expéditions : celui-ci s’y comporta fort bien.