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Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/162

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tes larmes tombe sur la page du poëte, la toile du peintre ou le marbre du sculpteur, elle se change en diamant. »

Celle à qui il parlait était la Mélancolie, je n’en pouvais douter.

Mais grand fut mon étonnement de le voir tout à coup s’emporter et jeter avec de grands gestes le fantôme à la porte, en lui disant : « Va-t-en ! tu n’es bonne qu’à allanguir les gens ! »

Il tint un moment la porte entr’ouverte, puis en tira le verrou et revint silencieux et triste s’asseoir en face de moi : Je le regardais, ne sachant que penser. Mais je n’eus pas le temps de faire de longues réflexions, car il se leva d’un bond, le front radieux, et dit : Les voilà ! décrocha son violon, sortit et s’alla mettre au milieu du chemin en faisant le geste d’un homme qui en appelle un autre. Puis, ayant joué un air gai, il rentra, souriant à droite et à gauche, comme s’il eut eu un ami à chacun de ses bras qu’il tenait arrondis.

Il descendit chercher du vin, en remplit quatre verres, le premier pour lui, le second pour moi, et les deux autres pour des convives que je ne voyais pas. « À la bonne heure, me dit-il, voilà de bons compagnons. Ce petit homme que vous voyez là vêtu simplement, ce roturier qui rit si finement sous les lunettes, est un vieil ami. Nul