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Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/242

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sourire, une voix grave et douce ainsi qu’un son de lyre, ni cet air réserve, ni ce pudique aspect qui, même aux effrontés, commandait le respect. Que de fois, se mettant à genoux devant elle, follement irrité de la voir si cruelle, des sanglots dans la voix, des larmes dans les yeux, poussant de ces soupirs qu’un amour furieux sait arracher du cœur, que de fois, pâle et blême, car il souffrait beaucoup, il lui disait : « Je t’aime, pourquoi me torturer avec acharnement… ? » Il lui parlait en vain très-passionnément, en vain il maigrissait, l’inflexible duchesse refusait de payer le prix de sa tendresse, et, reculant toujours l’instant de son bonheur, lui disait chaque fois : « Jure-moi sur l’honneur de gouverner l’État et d’aider ton vieux père, puisque ce n’est qu’en toi que le vieillard espère. Si tu ne le fais point, pars et fuis loin de moi ; mais si tu m’obéis, demain je suis à toi. »

Le choix était à faire, et le prince indocile, jugeant probablement la tâche difficile, s’emportait et pleurait, mais ne décidait rien. Dans sa folle existence il se trouvait si bien ! puis la paresse est douce à plus d’un prince au monde : de retour au palais, il y trouvait la blonde qui lui disait : « J’ai là deux excellents chevaux ; viens, nous allons trotter et par monts et par vaux ; prince, n’obéis-sons qu’à notre fantaisie, et, si nous le voulons, poussons