Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/109

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de divertissement, parmi lesquels la duchesse passait souvent des journées entières, s’amusant comme une enfant.

Mais cette fois, pressée, elle n’entra qu’une minute prendre des nouvelles du petit négrillon Nannino, nouvellement expédié de Venise. Le teint de Nannino était si noir que, selon l’expression de son premier propriétaire, « on ne pouvait désirer mieux ». La duchesse jouait avec lui comme avec une poupée vivante. Le négrillon tomba malade et l’on s’aperçut que sa noirceur tant vantée était due surtout à une sorte de laque qui, peu à peu, commença à peler, au grand désespoir de Béatrice.

La nuit précédente, Nannino s’était senti très mal, on craignait qu’il ne mourût, et, à cette nouvelle, la duchesse en fut toute marrie, vu qu’elle l’aimait, même blanc, en souvenir de sa belle couleur noire. Elle ordonna de baptiser au plus vite le pseudo-négrillon, afin qu’au moins il rendît l’âme en état de grâce.

En descendant l’escalier, elle rencontra sa folle favorite, Morgantina, encore jeune, jolie et si amusante, au dire de Béatrice, qu’elle eût fait rire un mort.

Morgantina aimait à voler. Son larcin commis, elle cachait l’objet sous une feuille détachée du parquet et se promenait radieuse. Et lorsqu’on lui demandait aimablement : « Sois gentille, dis où tu l’as caché ? » elle prenait les gens par la main et les conduisait à sa cachette. Et si l’on criait : « Passez la rivière au gué ! » vite, sans aucune honte, elle levait sa jupe jusque sous ses bras.