Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/76

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— Messer, dit-il très bas et gravement, vous n’êtes pas fâché contre moi ? Sinon, je m’en irai, il y a longtemps que je pense que je dois le faire. Ce n’est pas à cause d’eux, car cela m’est indifférent ce qu’ils peuvent dire, mais c’est à cause de vous. Je sais bien que je vous ennuie. Vous seul êtes bon ; eux sont méchants autant que moi, mais ils dissimulent et moi je ne sais pas. Je m’en irai, je resterai seul. Ce sera mieux ainsi. Seulement, pardonnez-moi…

Des larmes brillèrent entre les longs cils du gamin, qui répéta plus bas encore :

— Pardonnez-moi, messer Leonardo !… Je vous laisserai ma petite boîte en souvenir. L’araignée vivra longtemps. Je prierai Astro de la nourrir…

Léonard posa sa main sur la tête de l’enfant.

— Où irais-tu, petit ? Reste. Marco te pardonnera et moi je ne suis pas fâché. Va, et à l’avenir ne fais de mal à personne.

Jacopo fixa sur lui des yeux perplexes, dans lesquels luisait non la reconnaissance, mais l’étonnement, presque de la peur.

Léonard lui répondit par un calme sourire et caressa ses cheveux, comme s’il devinait l’éternel mystère de ce cœur créé par la nature pour le mal et inconscient de sa malfaisance.

— Il est temps, dit le maître. Allons, Giovanni.

Ils sortirent dans la rue déserte bordée de jardins, de potagers et de vignes, et se dirigèrent vers le monastère de Santa Maria delle Grazie.