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hivernement chez les sauvages

dresse orgueilleuse trouvait indigne de son fils le rôle obscur du gentilhomme de province. Elle voulait que son enfant brillât au premier rang, et le rapprochait de la cour.

Madame de Savigny avait alors cinquante ans. Sa distinction était imposante, mais la sécheresse de son caractère, l’intransigeance de ses principes se trahissaient dans la seule froideur de ses yeux gris qui regardaient toujours droit devant elle, avec une expression invariablement glaciale.

Aussitôt installée dans sa nouvelle demeure, la noble dame mit tous ses soins à réunir un cénacle d’amis infatués comme elle des prérogatives de la noblesse, et qui bornaient l’action de leur vie à d’inutiles discours.

Philippe, quoique sans cesse bercé aux refrains de ces brillantes prétentions, trouvait toutefois insuffisant leur moyen de servir Dieu et la France Il avait hérité de son père une âme chevaleresque et sentait instinctivement le désir de se dévouer à quelque grande cause, comme l’aiglon éprouve le besoin de voler. Lorsqu’il était enfant, jouant sur la plage, souvent il avait regardé la mer en se demandant ce qui pouvait bien exister au-delà. Son imagination voyageait sur les nuages, jusqu’aux limites de l’horizon où, chaque soir, ses yeux ravis contemplaient le soleil plongeant dans des flots d’or.

Il enviait les oiseaux, les papillons, les libellules : tous les êtres qui pouvaient s’envoler de la