Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/175

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des formalités préalables, la fille du tailleur se trouva un peu déconcertée. Heureusement, ce curé était un homme bon et intelligent qui prit en compassion cette brebis égarée. Il lui conseilla de ne point demeurer sous le même toit que son amant et la recueillit chez lui, en promettant de travailler à une réconciliation générale. Agata se plaisait beaucoup à Lentini. Elle tenait compagnie à Zullino qui travaillait avec ardeur à fabriquer des tonneaux pour la vendange prochaine. On parlait peu, on se regardait souvent et on chantait des barcarolles à deux voix. Un beau jour, le petit tailleur, sur un avis du curé, partit de Catane et se présenta tout à coup devant sa fille.

— Ingrate, lui dit-il, tu ne reviendrais donc jamais si je ne courais après toi ?

La toppatelle se rappela aussitôt qu’elle avait des parents. Elle se jeta dans les bras du tailleur en s’écriant :

— Emmenez-moi, cher père, je ne veux plus vous quitter ! Ah ! que je suis heureuse de vous revoir et de retourner à la maison !

— Ce n’est pas tout, reprit le père, il faut encore renoncer à ce coquin de ravisseur.

— Héla, puisque personne ne veut me marier au pauvre Zullino, je suis bien forcée de renoncer à lui, mais je ne serai jamais la femme d’un autre.

— C’est ce que nous verrons. Monte sur ton âne et partons.

Agata courut embrasser son amant, revint caresser son père, puis elle sauta sur son âne et prit la route de Catane où elle fit son entrée avant la nuit. Ainsi finit son premier accès de demi-folie ;