Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/23

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et de Sorrente, sous lesquels on va chercher de la fraîcheur et fuir les piqures des zanzares. C’est là que les pigeons ramiers font leurs nids, dans les plus beaux sites du monde ; mais les trois quarts se dispersent au retour de l’hiver et ne rentrent pas à Naples. Ce renouvellement perpétuel amène dans les relations une promptitude et un laisser-aller agréables, suivis d’un oubli complet. On a passé en revue tant de visages nouveaux, tant d’amis se sont envolés, qu’on n’en sait plus le compte. S’il fallait se rappeler leurs noms et soupirer de leur absence, on n’en finirait pas ; il est mieux de donner raison au droit de présence et de tourner la page sur l’année passée.

Si les Napolitains avaient de grandes fortunes, ils ne les enfouiraient pas comme les Génois. Autant la noblesse de Gênes est sombre, renfermée, ennemie du plaisir et de la dépense, autant celle de Naples est généreuse. Celui qui porte un nom historique le respecte trop pour affronter le reproche d’avarice. Ses aïeux allaient en voiture ; ils avaient un palais, une galerie de tableaux et un cuisinier. Il faut à leur petit-fils une voiture et assez de tableaux pour qu’on puisse encore, à la rigueur, appeler cela une galerie. Le cuisinier n’aura rien à faire ; on l’enverra même à la trattoria chercher du macaroni pour le dîner de son maître ; mais au moins on n’aura pas dérogé. Si on donne un bal, on fera les choses plus noblement que le financier millionnaire qui est né pour amasser de l’argent et non pour le dépenser. Le lendemain de la fête, on sera peut-être comme Ravenswood de Walter Scott, livrant sa vie aux expédients attendrissants du fidèle Caleb, quelquefois un peu soucieux