Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/25

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assez, pour le ton, les manières et les habitudes, à celui de Paris ; on y a seulement plus d’indulgence et moins d’hypocrisie que chez nous. La bienveillance et l’envie d’être agréable se retrouvent partout. On pense à ce qui peut plaire à telle personne ; on se dérange, on envoie ses domestiques de grand matin pour faire plaisir à un ami. On parle beaucoup les uns des autres ; on s’appesantit sur des bagatelles dont, en France, vous ne voudriez pas dire quatre mots ; mais on va rarement jusqu’à médire. Il serait injuste d’attribuer ce respect du prochain à l’arrière-pensée de l’indulgence dont on a besoin pour soi-même, car la société de Naples n’est pas plus pervertie que celle des autres capitales. Elle a seulement plus de franchise. On trouve tout simple que chacun cherche son amusement où il existe ; aussi est-ce le véritable pays de la liberté pour les hommes de plaisir. A l’égard des amoureux, on ne se conduit pas de même à Naples qu’à Paris. Dans un salon français, il est convenu qu’on ne doit pas respecter les conférences partielles qui s’établissent entre les personnes dont les sentiments sont le plus connus ; ce serait même une indiscrétion désobligeante que d’éviter d’interrompre l’entretien ; on ferait ainsi sentir aux gens qu’on connaît leurs affaires intimes. A Naples, au contraire, on se reprocherait de les déranger. Quand un dialogue s’engage à voix basse, on s’écarte avec complaisance et on attend que l’entrevue soit terminée, sous peine de passer pour un homme sans savoir-vivre. Un soir, qu’en présence de cent personnes, j’avais interrompu ainsi un tête-à-tête confidentiel dont je n’ignorais pas le sujet, une dame eut la bonté de m’avertir de ma faute.