Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Les autres ambassades ont donné des bals qui ressemblaient aux fêtes de Paris.

Selon les guides en Italie, le carnaval de Naples est le plus brillant et le plus animé du monde entier, après celui de Rome, dont la gaieté surpasse tout ce qu’on peut imaginer. Avec la population turbulente et rieuse de Naples, j’avais toutes les raisons possibles de compter sur des jours gras bien remplis. La rue de Tolède, disait-on, devait fourmiller de masques et de voitures ; on devait jeter des bouquets et de la farine au nez des passants. Je m’étais préparé à recevoir patiemment les éclaboussures et à m’enfoncer dans le tumulte. La mort du frère du roi avait beaucoup refroidi le monde au commencement de l’hiver. La cour était encore en deuil ; mais le roi, ne voulant pas que les plaisirs de ses sujets fussent entièrement sacrifiés à ses chagrins, avait témoigné le désir qu’on ne changeât rien aux habitudes du carnaval et, dans ce but, il avait assisté à plusieurs bals. Le dimanche et le lundi gras, je descendis dans la rue de Tolède armé d’un vieux paletot destiné à me servir de cuirasse contre les attaques des masques. Je vis beaucoup de voitures et de curieux ; pas un déguisement. Le mardi, on se tint pour dit que le carnaval était manqué ; personne ne parut et la mystification fut complète. Un étranger fort aimable, le baron de B…., parcourut seul le Corso d’un bout à l’autre, en calèche découverte, avec une cargaison de bouquets, de dragées et d’œufs enfarinés, sans trouver un visage disposé à soutenir le combat.

Le grand bal masqué annuel de San-Carlo fut plus heureux que les réjouissances en plein air. La salle éclairée a giorno offrait un coup d’œil splendide.