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des livres confiés à sa garde. Les catalogues ne vont pas au-delà de l’année 1808, en sorte qu’on ne sait pas au juste ce que ces bibliothèques renferment. On y trouverait des matériaux très précieux.

Le journal littéraire le Salvator Rosa, rédigé par des hommes d’esprit, se borne la plupart du temps à parler de bagatelles. La censure effraye et décourage les écrivains de talent, les poètes et les auteurs dramatiques. Le public napolitain est si impressionnable et si passionné qu’une révision est peut-être nécessaire ; il la faudrait seulement tolérante et éclairée. L’histoire de Guillaume Tell, par exemple, me paraît un fait trop rebattu pour mériter la colère des ciseaux ; cependant, lorsqu’on voulut jouer le chef d’œuvre de Rossini, le poème fut obligé de se soumettre à des changements peu conformes à la vérité des chroniques. Au lieu de tuer Gessler au dénouement, l’insubordonné Guillaume était arrêté par les gendarmes et conduit en prison. Pour présenter le Gustave de M. Auber, on devait faire pulvériser Ankastrom par le roi de Suède ; mais la pièce fut abandonnée. Le duel est puni avec une rigueur extrême à Naples. Dans la traduction de Gabrielle de Vergy, on ne voulut pas admettre le combat entre Fayel et Coucy. Le traducteur proposa de remplacer le duel par un assassinat. On trouva que la chose serait d’un meilleur exemple et Fayel poignarda traîtreusement son rival avec guet-apens. Les danseuses de l’Opéra sont forcées de porter, sous leurs robes, une espèce de culotte courte en satin vert d’un effet affreux. La sylphide Taglioni ne consentirait pas à paraître avec ce costume qui choque les yeux comme la queue de poisson des sirènes. Je gagerais bien qu’on ne la