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la tare, s’entretouchant les uns les autres. L’eau même, pour fraîche qu’elle soit dedans un vase, étant touchée de quelque animal terrestre ne peut longuement conserver sa fraîcheur. Ne permettez jamais, Philothée, qu’aucun vous touche incivilement, ni par manière de folâtrerie ni par manière de faveur ; car bien qu’à l’aventure la chasteté puisse être conservée parmi ces actions, plutôt légères que malicieuses, si est-ce que la fraîcheur et fleur de la chasteté en reçoit toujours du détriment et de la perte : mais de se laisser toucher déshonnêtement, c’est la ruine entière de la chasteté.

La chasteté dépend du cœur comme de son origine, mais elle regarde le corps comme sa matière ; c’est pourquoi elle se perd par tous les sens extérieurs du corps et par les cogitations et désirs du cœur. C’est impudicité de regarder, d’ouïr, de parler, d’odorer, de toucher des choses déshonnêtes, quand le cœur s’y amuse et y prend plaisir. Saint Paul dit tout court : « Que la fornication ne soit pas mêmement nommée entre vous ». Les abeilles non seulement ne veulent pas toucher les charognes, mais fuient et haïssent extrêmement toutes sortes de puanteurs qui en proviennent. L’Épouse sacrée, au Cantique des Cantiques, a ses mains qui distillent la myrrhe, liqueur préservative de la corruption ; ses lèvres sont bandées d’un ruban vermeil, marque de la pudeur des paroles ; ses yeux sont de colombe, à raison de leur netteté ; ses oreilles ont des pendants d’or, enseigne de pureté ; son nez est parmi les cèdres du Liban, bois incorruptible. Telle doit être l’âme dévote : chaste, nette et honnête, de mains, de lèvres, d’oreilles, d’yeux et de tout son corps.