Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/243

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dain notre cœur en serait empesté. N’écoutez nulle sorte I de propositions, sous quelque prétexte que ce soit : en ce seul cas, il n’y a point de danger d’être incivile et agreste.

Ressouvenez-vous que vous avez voué votre cœur à Dieu, et que votre amour lui étant sacrifié, ce serait donc sacrilège de lui en ôter un seul brin ; sacrifiez-le-lui plutôt derechef par mille résolutions et protestations, et vous tenant entre icelles comme un cerf dans son fort, réclamez Dieu ; il vous secourra et son amour prendra le vôtre en sa protection, afin qu’il vive uniquement pour lui.

Que si vous êtes déjà prise dans les filets de ces folles amours, o Dieu ! quelle difficulté de vous en déprendre ! Mettez-vous devant sa divine Majesté ; connaissez en sa présence la grandeur de votre misère, votre faiblesse et vanité ; puis, avec le plus grand effort de cœur qu’il vous sera possible, détestez ces amours commencées ; abjurez la vaine profession que vous en avez faite ; renoncez à toutes les promesses reçues, et d’une grande et très absolue volonté, arrêtez en votre cœur et vous résolvez de ne jamais plus rentrer en ces jeux et entretiens d’amour.

Si vous vous pouvez éloigner de l’objet, je l’approuverais infiniment, car comme ceux qui ont été mordus des serpents ne peuvent pas aisément guérir en la présence de ceux qui ont été autrefois blessés de la même morsure, aussi la personne qui est piquée d’amour guérira difficilement de cette passion, tandis qu’elle sera proche de l’autre qui aura été atteinte de la même piqûre. Le changement de lieu sert extrêmement pour apaiser les ar-