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aussi en tous vos déportements, et paraîtra en vos yeux, en votre bouche, en vos mains, voire même en vos cheveux ; et pourrez saintement dire, à l’imitation de saint Paul : « Je vis, mais non plus moi, ains Jésus-Christ vit en moi ». Bref, qui a gagné le cœur de l’homme a gagné tout l’homme. Mais ce cœur même par lequel nous voulons commencer, requiert qu’on l'instruise comme il doit former son train et maintien extérieur, afin que non seulement on y voie la sainte dévotion, mais aussi une grande sagesse et discrétion. Pour cela je vous vais brièvement donner plusieurs avis.

Si vous pouvez supporter le jeûne, vous ferez bien de jeûner quelques jours, outre les jeûnes que l’Église nous commande ; car outre l’effet ordinaire du jeûne, d’élever l’esprit, réprimer la chair, pratiquer la vertu et acquérir plus grande récompense au ciel, c’est un grand bien de se maintenir en la possession de gourmander la gourmandise même, et tenir l'appétit sensuel et le corps sujet à la loi de l’esprit ; et bien qu’on ne jeûne pas beaucoup, l’ennemi néanmoins nous craint davantage quand il connaît que nous savons jeûner. Les mercredi, vendredi et samedi sont les jours auxquels les anciens chrétiens s’exerçaient le plus à l’abstinence : prenez-en donc de ceux-là pour jeûner, autant que votre dévotion et la discrétion de votre directeur vous le conseilleront.

Je dirais volontiers comme saint Jérôme dit à la bonne dame Léta : « Les jeûnes longs et immodérés me déplaisent bien fort, surtout en ceux qui sont en âge encore tendre. J’ai appris par expérience que le petit ânon, étant las en chemin, cherche de s’écarter » ; c’est-à-dire, les jeunes gens portés à des infirmités par l’excès des jeûnes,