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CHAPITRE XXVII

DE L’HONNÊTETÉ DES PAROLES ET DU RESPECT
QUE L’ON DOIT AUX PERSONNES


« Si quelqu’un ne pèche point en parole, dit saint Jacques, il est homme » parfait. Gardez-vous soigneusement de lâcher aucune parole déshonnête ; car encore que vous ne les disiez pas avec mauvaise intention, si est-ce que ceux qui les oient, les peuvent recevoir d’une autre sorte. La parole déshonnête tombant dans un cœur faible, s’étend et se dilate comme une goutte d’huile sur le drap ; et quelquefois elle saisit tellement le cœur, qu’elle le remplit de mille pensées et tentations lubriques. Car, comme le poison du corps entre par la bouche, aussi celui du cœur entre par l’oreille, et la langue qui le produit est meurtrière, d’autant qu’encore qu’à l’aventure le venin qu’elle a jeté n’ait pas fait son effet, pour avoir trouvé les cœurs des auditeurs munis de quelque contrepoison, si est-ce qu’il n’a pas tenu à sa malice qu’elle ne lésait fait mourir. Et que personne ne me dise qu’il n’y pense pas, car Notre Seigneur qui connaît les pensées a dit que « la bouche parle de l’abondance du cœur » ; et si nous n’y pensons pas mal, le malin néanmoins en pense beaucoup, et se sert toujours secrètement de ces mauvais mots, pour en transpercer le cœur de quelqu’un. On dit que ceux qui ont mangé de l’herbe qu’on appelle angélique ont toujours l’haleine douce et