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CHAPITRE XXVIII

DES JUGEMENTS TÉMÉRAIRES


« Ne jugez point et vous ne serez point jugés, dit le Sauveur de nos âmes ; ne condamnez point et vous ne serez point condamnés ». Non, dit le saint Apôtre, « ne jugez pas avant le temps, jusques à ce que le Seigneur vienne, qui révélera le secret des ténèbres et manifestera les conseils des cœurs ». Oh ! que les jugements téméraires sont désagréables à Dieu ! Les jugements des enfants des hommes sont téméraires, parce qu’ils ne sont pas juges les uns des autres, et jugeant ils usurpent l’office de Notre-Seigneur ; ils sont téméraires, parce que la principale malice du péché dépend de l’intention et conseil du cœur, qui est le secret des ténèbres pour nous ; ils sont téméraires, parce qu’un chacun a assez à faire à se juger soi-même, sans entreprendre de juger son prochain. C’est chose également nécessaire pour n’être point jugés, de ne point juger les autres et de se juger soi-même ; car, comme Notre-Seigneur nous défend l’un, l’Apôtre nous ordonne l’autre, disant : « Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions point jugés », Mais, O Dieu, nous faisons tout au contraire ; car ce qui nous est défendu, nous ne cessons de le faire, jugeant à tout propos le prochain ; et ce qui nous est commandé, qui est de nous juger nous-mêmes, nous ne le faisons jamais.