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médire du prochain, si faut-il se garder d’une extrémité en laquelle quelques-uns tombent, qui, pour éviter la I médisance, louent et disent bien du vice. S’il se trouve une personne vraiment médisante, ne dites pas pour l’excuser qu’elle est libre et franche ; une personne manifestement vaine, ne dites pas qu’elle est généreuse et propre ; et les privautés dangereuses, ne les appelez pas simplicités ou naïvetés ; ne fardez pas la désobéissance du nom de zèle, ni l’arrogance du nom de franchise, ni la lasciveté du nom d’amitié. Non, chère Philothée, il ne faut pas, pensant fuir le vice de la médisance, favoriser, flatter ou nourrir les autres, ains faut dire rondement et franchement mal du mal, et blâmer les choses blâmables : ce que faisant, nous glorifions Dieu, moyennant que ce soit avec les conditions suivantes.

Pour louablement blâmer les vices d’autrui, il faut que l’utilité ou de celui duquel on parle, ou de ceux à qui l’on parle, le requière. On récite devant des filles les privautés indiscrètes de tels et de telles, qui sont manifestement périlleuses ; la dissolution d’un tel ou d’une telle en paroles ou en contenances, qui sont manifestement lubriques : si je ne blâme librement ce mal et que je le veuille excuser, ces tendres âmes qui écoutent, prendront occasion de se relâcher à quelque chose pareille ; leur utilité donc requiert que tout franchement je blâme ces choses-là sur le champ, sinon que je puisse réserver à faire ce bon office plus à propos, et avec moins d’intérêt de ceux de qui on parle, en une autre occasion.

Outre cela, encore faut-il qu’il m’appartienne de parler sur ce sujet, comme quand je suis des premiers de la compagnie, et que, si je ne parle, il semblera que j’ap-