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si ces mêmes péchés demeurent dans l’âme pour l’affection qu’elle y met, ils lui font perdre sans doute la suavité de l’onguent, c’est-à-dire la sainte dévotion.

Les araignes ne tuent pas les abeilles, mais elles gâtent et corrompent leur miel, et embarrassent leurs rayons des toiles qu’elles y font, en sorte que les abeilles ne peuvent plus faire leur ménage ; et cela s’entend quand elles y font du séjour. Ainsi le péché véniel ne tue pas notre âme, mais il gâte pourtant la dévotion, et embarrasse si fort de mauvaises habitudes et inclinations les puissances de l’âme, qu’elle ne peut plus exercer la promptitude de la charité, en laquelle gît la dévotion ; mais cela s’entend quand le péché véniel séjourne en notre conscience par l’affection que nous y mettons. Ce n’est rien, Philothée, de dire quelque petit mensonge, de se dérégler un peu en paroles, en actions, en regards, en habits, en jolivetés, en jeux, en danses, pourvu que tout aussitôt que ces araignes spirituelles sont entrées en notre conscience, nous les en rechassions et bannissions, comme les mouches à miel font les araignes corporelles. Mais si nous leur permettons d’arrêter dans nos cœurs, et non seulement cela, mais que nous nous affectionnions à les y retenir et multiplier, bientôt nous verrons notre miel perdu, et la ruche de notre conscience empestée et défaite. Mais je dis encore une fois, quelle apparence y a-t-il qu’une âme généreuse se plaise à déplaire à son Dieu, s’affectionne à lui être désagréable, et veuille vouloir ce qu’elle sait lui être ennuyeux.