Page:De Saumery - Les délices du Pais de Liége, Tome I, 1738.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
Les Délices

bellions ſa vie prolongée de quelques jours étoit menacée du ſort de ſon Prédéceſſeur.[1]

Les choſes en étoient là, c’eſt-à-dire, dans le déſordre, le trouble & la confuſion, lorſque Erard de la Marck fut élevé à l’Epiſcopat.

Elles changérent bientôt de face. Les grands talens de ce Prince, lui formérent un Peuple nouveau. Il diſſimula ſouvent, pardonna preſque toûjours. La douceur de ſon naturel répanduë ſur ſon viſage, ne lui ſervoit pas moins, que la vivacité de ſon eſprit, & la ſolidité de ſon jugement, à faire connoître à ſes Sujets, qu’il préféroit la qualité de Pere à celle de Souverain, & que le rétabliſſement du bon ordre étoit ſon principal objet.

Ces génies altiers & féroces, que l’on avoit juſques là crû indiſciplinables, dévinrent, à l’exemple de leur Prince, ſouples, & pacifiques ; & prouvérent par leur obéïſſance & leur reſpect, que l’idée, que l’on s’étoit formée d’eux, n’étoit point juſte, & en même tems que les bonnes & les mauvaiſes qualités des Princes influent ſur leurs Sujets, & forment leurs bonnes ou leurs mauvaiſes qualités.[2]

La tranquilité publique rétablie par Erard, ſubſiſta pen-

    frais, qu’il avoit été obligé de faire en Cour de Rome.

    Quelque injuſtes que fuſſent ces conditions, la conjoncture des tems força le Prince & ſes ſujets à les accepter ; mais Guillaume d’Aremberg n’eut pas la ſatiſfaction d’en voir l’acompliſſement. Auſſi-tôt que la puiſſance de Jean de Horne fut ſufiſamment établie, il fit arrêter ce Tiran, le fit conduire à Maſtricht, où ſon procès lui fut fait, & inſtruit dans les régles : & où en exécution du Jugement, qui fut rendu, il eut la tête tranchée le 18. Juin 1485.

    V. les 4. Auteurs de l’Hiſtoire Liégeoiſe cités en la Note précédente.

  1. Adolfe & Robert de la Marck freres de Guillaume, n’eurent pas plûtôt apris la mort tragique de ce dernier, qu’ils jurérent la perte de Jean de Horne. On prit les armes de part & d’autre. Le Peuple ſoutint toûjours le parti le plus fort ; pour tout dire en peu de mots, les troubles, qu’excita la juſte punition de Guillaume d’Aremberg, durérent autant que le regne de Jean de Horne, contre lequel, par raport à ſes prétenduës exactions, le Peuple étoit à la veille de ſe ſoulever, lorſqu’il plut au Ciel, pour le bien général de l’Etat, de le retirer de ce monde.
  2. Toutes les actions de la vie de ce Prince ſont marquées au véritable coin de l’immortalité ; je ſouhaiterois que le Plan de cet ouvrage me permît de les détailler toutes, mais comme il ne me le permet point, je me contenterai de donner un Précis de celles, qui m’ont