Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/103

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ce haut rocher, il attend en suspends,
Ce que dans les vaisseaux, feront les feux rampans.
L’air souffle cependant ; la meche se consume ;
Elle eschauffe la poix ; la fait fondre ; l’allume ;
Le feu gagne l’estoupe, et s’y prend à l’instant ;
Il petille desja par un bruit craquetant ;
La fumée à flots noirs, à la flâme meslée,
S’esleve à gros boüillons, vers la voûte estoilée ;
Et dans l’obscurité de cette sombre nuit,
Esclate horriblement, et la flâme et le bruit :
Comme on voit un torrent qui ravage la plaine,
Couvrir en un moment, dans sa course hautaine,
La campagne exposée à sa vaste fureur,
Et perdre en la noyant, l’espoir du laboureur.
Tel ce torrent de feu (mais plus espouvantable)
Passe de planche en planche, et va de chable en chable ;
Vole de poupe en prouë ; et jusqu’au bout des mats,
Monte, serpente, rampe, et puis retombe en bas.
Par lambeaux enflâmez, tombent toutes les voiles ;
L’air ainsi que le ciel, a mille et mille estoiles ;
Et l’horrible clarté, qui de la flâme sort,
Donne un aspect affreux, au grand lac comme au port.
A ce bruit esclattant, le nocher se resveille :
Il escoute effrayé, la peur qui le conseille :
Et voyant tout brusler, il se jette dans l’eau,
Pour esviter la mort, qu’il voit sur le vaisseau.
Les cris dans chaque bord, montent jusqu’à la nuë :
La flâme croist plutost, qu’elle ne diminuë ;
Et le vent qui la pousse, et