Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/113

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Le laict empoisonné, l’empoisonne à l’instant ;
Elle expire, il expire, et meurt en sanglotant.
La femme et le mary, qu’un nœud si saint assemble,
Ainsi qu’ils ont vescu, meurent enfin ensemble :
Mesme terre les couvre, esteignant leur flambeau,
Et n’ayant eu qu’un lict, n’ont aussi qu’un tombeau.
Les freres et les sœurs, en s’assistant se nuisent :
Les champs en sont deserts ; les villes s’en destruisent ;
Tout n’est qu’un cimetiere ; et nostre terre alors,
A peine peut suffire, à mettre tant de corps.
Ceux qu’un devoir pieux occupe à cét office,
Avant qu’avoir rendu ce funebre service,
Ont besoin que quelque autre, avec mesme bonté,
Les jette avec ce mort, qu’ils avoient aporté.
Mais bien-tost la foiblesse estant trop generale,
Aucun n’est plus jetté sous la tombe fatale :
Les morts et les mourans, pesle-mesle estendus,
Y sont horriblement en tous lieux confondus.
Icy l’un tout livide, espouvante la veuë ;
Icy l’autre tout pasle, est un mort qui remuë ;
Et lors qu’on voit tomber tous ces spectres mouvans,
On ne discerne plus les morts et les vivans.
Leurs regards sont affreux ; leur bouche est entre-ouverte ;
Ils n’ont plus sur les os, qu’une peau toute verte ;
Et dans ces pauvres corps, à demy descouvers,
Parmy la pourriture, on voit groüiller les vers.
Des cadavres hideux, en tous endroits s’exhale,
L’invisible poison, dont l’atteinte est fatale :