Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/126

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Des rochers destachez rouleront dessus nous ;
Eh qui pourra souffrir la gresle des cailloux ?
En des lieux si scabreux, et dans un tel passage,
Tout l’art des bataillons n’est plus de nul usage :
Et cent hommes logez sur ces rochers affreux,
Arresteroient un camp plus fier et plus nombreux.
En vain nous porterons des dards et des espées,
Ayant à surmonter des roches escarpées ;
Des precipices hauts ; des torrents enfoncez ;
Où par le moindre effort nous serons renversez :
Et loin de nos amis, et loin de nos rivages,
Nous allons tous perir en des lieux si sauvages :
Pas-un ne reviendra de ces monts escartez,
Où la neige eternelle est aux plus chauds estez.
Celuy qui des chasseurs de l’aspre Livonie,
Tasche par la frayeur d’exciter la manie,
Regardant les espieux que tiennent les soldats,
Leur dit, helas en vain nous en chargeons nos bras !
Ayant veu l’Italie, en revenant d’Afrique,
J’ay veu que tous les bords de la mer Ligustique,
Ne sont que hauts rochers steriles et sans bois,
Où jamais cerf lassé ne fut mis aux abois.
Jamais rien de vivant ne bondit sur ces roches ;
Il faut chercher bien loin les forests les plus proches ;
Et tous les animaux, ainsi que je le dis,
Esvitent sagement ces rivages maudits.
Nostre art est inutile en ces tristes montagnes :
Il ne l’est gueres moins aux prochaines campagnes :
Et nous allons perir