Ils sement dans le peuple un certain bruit confus,
Que le roy qui les hait ne les reverra plus.
Ils disent qu’Alaric mesprise sa patrie ;
Que son amour pour Rome est une idolatrie ;
Qu’il ne peut plus souffrir le froid de leurs climats ;
Et qu’ils sont assurez qu’il ne reviendra pas.
Tous ces bruits differens passent de bouche en bouche ;
Chacun à son amy dit la peur qui le touche ;
Luy la dit à quelque autre ; et cét autre à son tour,
Va chercher à la dire aux troupes d’alentour.
D’abord on parle bas de ces diverses craintes,
Dont le camp et la ville ont senty les atteintes :
Mais la terreur panique esbranlant leurs esprits,
Et la ville et le camp, retentissent de cris.
Comme on oit quelquesfois, estant sur un rivage,
Gronder confusément la tempeste et l’orage ;
Et puis dans un instant tous les vents dechaisnez,
Souffler horriblement, et bruire forcenez :
Tel du soldat craintif, et du peuple timide,
Paroist foible d’abord le courroux qui le guide :
Mais en moins d’un moment, ce courroux furieux,
Leur fait pousser des cris qui percent jusqu’aux cieux.
L’un menace le prince, et l’autre prend ses armes ;
L’un veut verser du sang ; l’autre verse des larmes ;
L’un court, l’autre s’arreste, et ne sçait ce qu’il veut ;
L’un pousse, l’autre choque, et marche tant qu’il peut ;
L’un tombe, et fait tomber un autre qu’il entraisne ;
Les bataillons confus couvrent desja la plaine ;
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