Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/152

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Mille serpents d’argent traversent la prairie,
Que l’on voit en ce lieu, fraische, verte, et fleurie :
Et dans ces beaux ruisseaux, à cours peu diligent,
Esclattent des poissons les escailles d’argent.
L’un s’eslance sur l’eau, de la source profonde ;
Et l’autre disparoist, et se cache sous l’onde :
L’un traverse les flots d’un cours precipité ;
L’autre moins violent, nage avec gravité ;
Tout se mesle et desmesle, et cette troupe errante,
Donne mille plaisirs dans cette eau transparente.
Cent amants sont couchez aux bords de ces ruisseaux,
Aupres de cent beautez qui consultent ces eaux,
Dont l’aymable miroir, aussi pur que fidelle,
Fait voir un beau portrait, aux yeux de chaque belle :
Et l’un de ces amants qui paroissent heureux,
Esclatte avec sa lire en ces vers amoureux.
Amour, on ne voit rien si doux que ton empire :
Ton esclave est content, mesme quand il soupire :
Il benit en son cœur les maux qu’il a souffers,
Et les sceptres des rois valent moins que ses fers.
Ce n’est que par toy seul, que subsiste la terre ;
Sans toy les elemens auroient finy leur guerre ;
Et l’horrible cahos mettant tout à l’envers,
Auroit desja troublé l’ordre de l’univers.
Sans toy tous les plaisirs n’ont rien qui soit aymable ;
Avec toy tous les maux n’ont rien d’insuportable ;
Tu pourrois adoucir l’amertume du fiel,
Et par toy seul la terre à les douceurs du ciel.