Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/207

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la tient aux cheveux ; l’autre la fait tomber ;
L’un menace d’un arc qu’il commence à courber ;
L’autre leve le bras, et sa barbare espée ;
Le prince espouventé l’en croit desja frapée ;
Il jette de grands cris, et la belle en passant,
Jette vers ce heros un regard languissant.
Il va jusqu’à son ame ; et son ame heroïque,
Ne pouvant plus souffrir un objet si tragique,
Commande qu’on aborde ; et le sabre à la main,
Ce prince veut s’oster ce spectacle inhumain.
Ramez, ramez, dit-il, mais avec diligence :
La mort seroit le prix de vostre negligence :
Il y va de vos jours, j’en atteste les cieux,
Et vous me respondrez d’un sang si precieux.
Mais loin de l’engager dans une telle guerre,
Le pilote divin l’esloigne de la terre :
Et tournant le tymon par un adroit effort,
Il veut faire canal, et l’esloigner du bord.
Le heros remarquant sa desobeïssance,
Vers les flots agitez à chef baissé s’eslance :
Et sans plus raisonner sur un si lasche tour,
Veut aller à la nage où l’apelle l’amour.
Le prelat le retient ; et d’une voix plus forte,
L’ange severement luy parle en cette sorte.
Prince chery du ciel, gardez de l’irriter :
Comme il vous favorise, il faut le meriter :
Et ne pas preferer aux choses qu’il ordonne,
Les pensers criminels que le demon vous donne.