Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/226

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Sur le char de triomphe on me verra captif ;
Ou pour me mieux nommer, esclave fugitif.
Mais esclave indiscret, qui porte encor sa chaisne ;
Qui retrouve son maistre, et dont la fuite est vaine ;
Qui loin ainsi que pres, est tousjours en prison ;
Tousjours avec ses fers ; et tousjours sans raison.
Hastons-nous donc de vaincre, et de vaincre pour elle :
Voyons Rome bien-tost, pour revoir cette belle :
Et redoublant l’effort d’un esprit genereux,
Paroissons triomphans pour paroistre amoureux.
Mais insensé que dis-je, au milieu du martyre ?
Je parle de triomphe, et je n’ay qu’un navire :
Et qu’un navire encor tout brisé par les flots,
Avec quelques soldats, et quelques matelots.
C’est trop peu, c’est trop peu, pour l’empire du monde :
La valeur ne peut rien si l’on ne la seconde :
Et pour vaincre une ville où tant de roys vaincus
Ont suivy les debris de leurs thrônes rompus,
Hercule qui dompta les lions de Nemée,
Le tenteroit en vain s’il n’avoit point d’armée.
Malheureux Alaric, que dois-tu devenir ?
L’objet de ton amour n’a pû te retenir ;
Tu l’as abandonné pour chercher la victoire ;
Et tu le reverras, et sans flote, et sans gloire !
Non, non, erre plutost parmy les flots amers,
Et les plus reculez des plus affreuses mers.
Cours, cours au gré des vents, de rivage en rivage :
Va cacher ton malheur dans quelque isle sauvage :