Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/231

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elle a bien veu la cause et les effets,
Aucun evenement ne l’estonne jamais.
Grand roy, c’est le sçavoir qui la rend intrepide :
L’on ne s’esgare point avec un si bon guide :
C’est un amy fidelle, et qui nous suit tousjours ;
Et contre l’infortune un asseuré secours.
Oüy, superbe vainqueur de la superbe Rome,
L’homme avec la science est au-dessus de l’homme :
Il fait une autre espece ; il tient un autre rang ;
Il se met au-dessus de la terre et du sang ;
Il quitte la matiere où son estre le range ;
Et d’homme qu’il estoit, il devient presque un ange ;
Il voit tout sans nuage, et l’advenir douteux,
N’est point obscur pour luy, tant il est lumineux.
Il voit tout l’univers comme l’astre du monde ;
Il penetre le sein de la terre et de l’onde ;
Il est comme present à leurs productions ;
Il sçait de tous les corps toutes les fonctions ;
La nature n’a rien qu’elle cache à sa veuë ;
Il traverse les mers ; il vole sur la nuë ;
Ce que l’œil ne voit point sa raison l’aperçoit ;
Tout sert à son estude, et rien ne le deçoit.
Il discerne le vray, d’avec le vray-semblable ;
Il n’ayme jamais rien qui ne soit fort aymable ;
La seule verité peut encor l’enflamer ;
Il ayme les plaisirs comme ils les faut aymer ;
Il connoist toute chose en ce degré suprême ;
Et pour dernier bonheur il se connoist luy-mesme.