Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/244

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Et parmy ces escueils, et parmy ces rochers,
Seuls pilotes experts, et seuls hardis nochers.
Par eux nous concevons cette main si puissante ;
Cette main qui receut la nature naissante ;
Et dont l’art merveilleux, pour nostre commun bien,
Travailla sans matiere, et forma tout de rien.
Cét abysme profond qui la raison estonne,
L’unité de l’essence en la triple personne ;
Le fils esgal au pere, en temps comme en grandeur ;
Leur esprit procedant de leur commune ardeur ;
Une mere encor vierge ; une vierge feconde ;
Quoy plus ? Un dieu naissant qui vit naistre le monde ;
Un autheur de la vie au sepulcre enfermé ;
Un dieu vivant et mort ; et ce mort r’animé ;
Et pour dernier prodige un mistere terrible,
Qui semble diviser un corps indivisible ;
Qui dans tous ses fragmens met son humanité ;
Et qui se multiplie en gardant l’unité.
Pres de ces grands autheurs, les autheurs heretiques,
Nous monstrent le venin de leurs erreurs publiques :
Et lors que ces serpens piquent nostre raison,
On cherche le remede en leur propre poison.
Car comme on peut tirer de l’ingrate vipere,
Un remede puissant, utile, et necessaire,
De mesme on peut trouver pour son soulagement,
Dans un livre heretique un fort bon sentiment.
Oüy, le lecteur prudent, par la cause premiere,
Tire le bien du mal ; de l’ombre la lumiere ;